On sait depuis Aristote que la « démocratie représentative » est nécessairement une oligarchie. La démocratie c'est le pouvoir des pauvres sur les riches : « Il y a démocratie quand les hommes de naissance libre et pauvres, étant en majorité sont à la tête des affaires publiques et oligarchie quand les gens riches et d'une naissance au-dessus du commun, et en petit nombre gouvernent »
Donc pour l'instant, on s'accommode de cette oligarchie devenue d'ailleurs ploutocratie depuis l'installation de Macron à l'Élysée par les oligarques français. Mais notre fondé de pouvoir de l'Argent est aussi un psychopathe. Avec sa dissolution surprise, il a par conséquent foutu un singulier bordel institutionnel.
Et nous sommes ainsi confrontés depuis le deuxième tour des législatives à une sacrée cacophonie, où ignorants et manipulateurs rivalisent entre mensonges, approximations, contresens, voire carrément inepties.
Le 7 juillet dernier a vu une alliance électorale entre la bourgeoisie oligarchique et la petite bourgeoisie qui se présentaient pourtant avant le premier tour comme des adversaires irréductibles. L'objectif de cette alliance conjoncturelle était clair : empêcher le RN soutenu massivement par les couches populaires de s'approcher du pouvoir. Dans un petit jeu à toi, à moi, on a mis en place des désistements croisés, pour garantir le retour à l'Assemblée du maximum de Playmobils macronistes et le maintien d'une force dite « de gauche » parfaitement hétéroclite, dont le pire symbole est la cohabitation entre Hollande, le président belliciste parjure partisan inconditionnel du massacre de Gaza et Aymeric Caron défenseur des moustiques et soutien méritant de la cause palestinienne. Pour arriver à ce résultat, on avait bricolé un soi-disant programme en y incluant scrupuleusement la contradiction principale empêchant son application. À savoir le maintien d'un européisme quasi fanatique rendant impossible les quelques engagements sociaux. Et histoire de mener l'imposture jusqu'au bout l'assemblage avait été nommé « Nouveau » Front populaire par référence à l'ancien, qui n'avait pourtant rien à voir.
Mission accomplie
Les couches populaires qui avaient envie de se faire entendre et s'étaient mobilisées aux élections européennes et surtout au premier tour des législatives se sont retrouvées Grosjean comme devant. Le RN, largement premier parti de France en voix et en nombre d'élus a été renvoyé en queue de peloton. Non mais ! No pasaran les fabricants de barbelés et les reconstructeurs de chambre à gaz ! Superbe leçon de lutte des classes, avec ce ralliement, certes habituel, des couches moyennes à la bourgeoisie. Avec quand même cette fois-ci une particularité : la « gauche » politique pour sauver Emmanuel Macron a clairement fait alliance avec l'hyper classe que le néolibéralisme a également fait advenir dans notre pays. On peut penser que Bernard Arnault, l'homme le plus riche du monde, est soulagé de voir sa créature s'en tirer. Avec cependant un problème qu'il va falloir gérer, en attendant la reconstitution du bloc central qui avait permis à Macron de poursuivre depuis 2022 la destruction méthodique de notre pays. C'est qu'après s'être prostituée, la « gauche » demande le prix de sa passe. Elle a d'abord bien sûr crié victoire pour avoir terrassé l'hydre fasciste. Mais ensuite, il fallait être récompensé pour cet effort de mobilisation sur un mensonge, l'abandon des principes, et l'invocation d'un risque de néo-nazisme imaginaire. Alors, fébrilement elle réclame l'accès immédiat aux salons de la république. Bien sûr, la main sur le cœur et la vertu en bandoulière, toutes ces cohortes dont le seul point commun est l'arrivisme, prétendent qu'elles veulent le pouvoir pour satisfaire les revendications sociales dont elles ont parsemé leur programme. François Hollande, le fameux « ennemi de la finance », investi par cette « gauche » vertueuse, et élu grâce aux voix des macronistes, est là pour garantir qu'évidemment, et comme d'habitude, tous les engagements seront trahis.
Mensonges et traditions inventées
Pour arriver à leurs fins, les dirigeants du NFP alignent sans désemparer mensonges après mensonges. Pour commencer on opère un glissement, en ne revendiquant plus la victoire sur le fascisme mais en prétendant que c'est leur programme qui a été plébiscité par le peuple français, en n'hésitant pas sur un romantisme surjoué parlant sans peur du ridicule « d'un élan qui s'est levé aux quatre coins du pays ». Avec 27 % des voix, le plébiscite a une drôle de figure. On prétend ensuite que le NFP serait le « premier groupe » au Parlement. C'est faux, l'alliance électorale est représentée par au moins quatre groupes différents, voire cinq. Le groupe le plus nombreux est celui du RN. Et personne pour avancer il faut nommer Bardella. Alors s'appuyant sur ce mensonge on invoque une tradition constitutionnelle imaginaire, selon laquelle il appartiendrait au Président de la république de nommer un premier ministre du premier groupe de l'Assemblée. Mais de quelle tradition parle-t-on ? Sous la Ve République, il y a eu trois cohabitations, et à chaque fois le Président en exercice a nommé un premier ministre issu de l'union politique disposant de la majorité absolue au Parlement. Donc invoquer pour la Ve République une tradition imposant la nomination d'une union politique minoritaire est un nouveau mensonge. Voyons pour les IIIe et Ive républiques, régime parlementaire pour la IIIe et parlementarisme pour la IVe. À chaque fois les Présidents de la république ont appelé des personnalités susceptibles de constituer un gouvernement obtenant dès le départ un soutien majoritaire au Parlement. Outre que cette tradition s'appliquait à des régimes constitutionnels très différents de celui de la Ve, la nomination du Premier ministre (ou Président du conseil) était directement liée à la capacité d'avoir la majorité absolue. L'invoquer pour justifier la nomination de quelqu'un dont on sait qu'il sera minoritaire, comme l'ont clairement affirmé les opposants au NFP, est une imposture.
Devant le blocage, ceux qui vivent complètement dans un monde imaginaire, ont pensé refaire 1936 et appelé à une grève générale ! Excellente idée, avec une classe ouvrière et les salariés d'exécution des services qui votent massivement pour le RN, et un taux de syndicalisation parmi les plus bas du monde développé, sûr quelle va être massive la grève générale.
Dernier argument stupide, celui selon lequel Macron en ne nommant pas un Premier ministre NFP commettrait un putsch. C'est ridicule, mais cela nous permet de rappeler que si putsch il y a eu, c'est en 2017, avec l'installation au pouvoir d'Emmanuel Macron par une opération s'apparentant un coup d'État politiquement organisé par le Parti socialiste, François Hollande et Jeanpierre Jouyet en tête.
Macron remis en selle ou cadavre en sursis ?
Et aujourd'hui, ce Macron remis en selle par le sauvetage dont la « gauche » l'a gratifié, dispose de l'initiative et va donc pouvoir manœuvrer. Histoire de se débarrasser de cette fausse « union de la gauche », il va même peut-être trouver astucieux de nommer un quelconque des bras cassés, pioché dans la vitrine du NFP, pour le voir immédiatement exploser en vol, ce qui permettrait plus facilement d'écarter LFI. Et de reconstituer le « bloc central » qui serait peut-être minoritaire au Parlement mais gouvernerait comme l'a fait Élisabeth Borne, à coups de 49-3. Le temps pour Macron de récupérer le pouvoir de dissolution en septembre 2025 et de préparer l'avènement du successeur que lui désignera l'oligarchie.
On peut avoir de l'aversion pour le Rassemblement National, se défier des couches populaires qui le soutiennent, on peut considérer que ce mouvement n'était pas prêt à exercer le pouvoir, on peut être soulagé qu'il ne participe pas à la gestion du pays, et légitimement penser qu'il ne surmontera pas ses contradictions, mais qu'elle le veuille ou non, avec son antifascisme en carton, la « gauche » n'a fait qu'une seule chose entre les deux tours législatives, elle a sauvé Emmanuel Macron de la situation très difficile dans laquelle il s'était fourré. Ce faisant, enfermée dans ses mensonges et son refus du réel, elle a d'ailleurs probablement sauvé un cadavre.
Armées de leur libéralisme libertaire et de leur mépris social, ayant remplacé le prolétariat pour constituer sa base, les nouvelles couches moyennes diplômées et urbaines emmènent cette gauche dévoyée dans une impasse historique.
Espérons qu'elles le paieront cher.
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